Intouchable


Au tournant d'une allée boueuse transformée en torrent par les eaux du ciel,
Une femme attend...
Une femme sous la mousson.
Ses yeux scrutent une brèche éventuelle entre 
Les gouttes de pluie.
Elle attend.
Un pan de tissu, une étoffe flétrie jetée sur 
Ses cheveux noueux la protègent.
D'un regard en permanence aux aguets 
Elle semble chercher un endroit où s'abriter.
Elle pose la main sur l'épaule de son petit garçon.
Il est tout mouillé.
Longue est sa chemise, trop longue.
Leur peau foncée luit sous l'eau ruisselante.
Le fond de leur regard a la blancheur des pics himalayens.
Sa tête vire, s'arrête devant la vitrine du café.
Son visage se fige, son regard se fixe.
Une lumière scintille au fond de ses yeux.
Elle entrouvre ses lèvres sèches et craquelées,
Murmure derrière le silence de la vitre une forme d'incantation...
C'est l'incantation de la faim,
Celle qui noue le corps à en éliminer la voix.
L'intouchable de la rue n'a pas de père.
Il n'est l'enfant de personne.
Son existence suit la souffrance d'une femme en guenilles;
D'une femme dotée d'une beauté aussi bouleversante qu'anonyme,D'une femme qui attend, Qui crève la faim.
Que de Dieux pour toi, petit!
Une étoile a du se perdre dans les rues de l'Inde...
Chaque jour ne nous fait-il pas clouer un enfant sur
Une croix du monde que nous pensons construire?
Fils de tous ces Dieux,Fils de l'homme,
Homme qui se sacralise en se prenant pour le fils de Dieu.
La décalcomanie des croyances importe peu...
Il paraît que les premiers seront les derniers et que les derniers seront les premiers.
Ici aussi,La subtilité réside dans la foi au passage...
Attendre, revenir, partir...Lumière intemporelle... 
Infini espace... Magie! Inde! Magie!
Comme tout cela nous rapproche de l'imaginaire... 
Vivant imaginaire...
Au tournant d'une allée boueuse transformée en torrent par les eaux du ciel, Elle attend.
Pourquoi elle, là,
Moi, ici, derrière la vitre du café?
Pourquoi?

Constance Cunha.
Dahramsala, Inde, 1998.



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